Dans le célèbre film de John Huston, « les désaxés » (the misfits, 1961), Clark Gable avait fait de la capture des chevaux sauvages son métier au grand désespoir de
Marylin Monroe qui trouvait particulièrement cruel de priver de liberté les derniers mustangs
(pour accessoirement les
convertir en nourriture pour chiens). Depuis ...
Depuis, la législation
américaine a évolué et les mustangs sont à présent protégés : il en
reste un peu moins de 100 000, pour la moitié d’entre
eux dans l’état du Nevada. Ces chevaux sont les descendants de
générations retournées à l’état sauvage bien des années auparavant et
ayant survécu malgré les conditions parfois très dures de leur
nouvel environnement. Dans un sujet précédent, nous avions évoqué la
domestication par l’homme de
nombreuses espèces animales : il s’agit ici du chemin
exactement inverse. On peut certainement s’étonner de l’adaptation
d’animaux jusque là hyperprotégés à des milieux forcément hostiles et se
demander si de tels phénomènes sont fréquents…
Des cas plus fréquents qu’on ne le croit
Le retour à l’état sauvage de nombreux animaux ne date pas
évidemment pas d’aujourd’hui. De nos jours, toutefois, deux éléments supplémentaires sont à prendre en compte : d’abord le rétrécissement inévitable des
territoires « possibles » pour ce retour et cela du fait de l’expansion humaine qui se fait de plus en plus pressante et, par ailleurs, la plus
grande facilité des transports sur de longues distances en
rapport avec les progrès techniques. Ces deux éléments sont en apparence
antagonistes mais le premier est probablement plus
important que le second. Quoi qu’il en soit, il faut souvent assez
peu de temps (en termes d’évolution) pour voir des populations entières
d’animaux revenir à leur état ancestral en s’organisant
véritablement. Prenons quelques exemples :
* les mustangs du Nevada

Ce qu’il est intéressant de noter (et on le verra pour d’autres
espèces), c’est que l’organisation de ces chevaux a très vite copié celle de leurs congénères sauvages. Ces animaux étant particulièrement robustes et très
indépendants, ils errent par petits groupes d’une quinzaine d’individus entrainés par un étalon, souvent aidé de la jument la
plus âgée. Bien entendu, les jeunes mâles qui sont rejetés du
groupe lorsqu’ils atteignent 3 ans et se retrouvent par force
solitaires, viennent régulièrement disputer le harem au mâle
dominant. Bref, rien que de très classique dans la Nature.
On peut d’ores et déjà se poser une question : le fait de
retrouver une structure de groupe ancestrale est-elle d’origine génétique, un patrimoine en partie caché jusque là par la domestication ou ne s’agit-il que
d’une conséquence de la vie sauvage elle-même qui n’autoriserait en fin de compte que ce genre d’organisation ?
* le dingo d’Australie
Dans tout le sud-est asiatique vivent des chiens retournés à
l’état sauvage. Nombreux il y a quelques années, ils ne subsistent
plus de nos jours que dans quelques poches forestières résiduelles. On
les trouve également en Australie où on les appelle les
dingos (un nom emprunté à la langue des aborigènes) tandis que, en Nouvelle-Guinée, existe une variété de dingos appelés chiens
chanteurs (en raison de leur vocalises bien spécifiques).
Il s’agit là d’un contre-sens car le dingo, s’il est
opportuniste et attaque ce qu’il trouve (jusqu’à des chevaux ou des kangourous quand il est en meute), est un animal plutôt craintif qui vit aussi loin de
l’Homme qu’il le peut. Très rapide (pouvant faire des pointes à 60 km/h), il lui arrive de se déplacer de plus de 20 km chaque jour. Souvent, quand des
attaques proches des humains concernent des canidés, il s’agit plutôt de chiens retournés plus récemment à l’état sauvage – donc relativement plus habitués à
la présence humaine – dans ce que l’on appelle le marronnage (ou féralisation) sur lequel nous reviendrons.
Le dingo est un animal solitaire sauf que, comme ses ancêtres
les loups, il peut vivre (et chasser) en meute ce qui est notamment
le cas à la saison des amours qui a lieu pour lui une fois par an : exactement comme les
loups et à la différence des chiens. Ce que certains
scientifiques rattachent à une dimension génétique réapparue lors de
l’ensauvagement.
* les chats et chiens errants des pays industrialisés.
Il n’existe pas en France métropolitaine de chiens retournés
totalement à l’état sauvage mais tout au plus des animaux abandonnés par leurs maîtres et ayant appris à survivre seuls. Leur « ensauvagement » est
alors à mi-parcours entre le statut du chien domestique et celui du chien sauvage. Comme s’il fallait une ou deux générations pour « gommer »
vraiment la domestication…
* les mouflons corses
* Les impasses de l’ensauvagement
Quoi qu’il en soit, ce retour à la vie sauvage, cet
« ensauvagement », est souvent possible et surtout remarquablement rapide.
Là où il a fallu, comme on l’a déjà signalé dans un précédent sujet,
bien
des années et beaucoup de patience pour « domestiquer » certaines
espèces animales (avec, parfois, des échecs retentissants pour
d’autres), on s’aperçoit qu’il suffit de quelques
générations pour aboutir à nouveau à un ensauvagement, difficile
ensuite à inverser. On parle alors de « marronnage », par analogie avec les
esclaves échappés de jadis qui étaient alors appelés « marrons », ou bien de féralisation, ce terme provenant du latin fera (animal sauvage) par
l’intermédiaire de l’anglais « feral » (« on entendait la nuit les miaulements des chats féraux », a écrit le poète).
Quelles sont les causes de l’ensauvagement ?
Le plus souvent toutefois, il s’agit d’actes involontaires qui concourent à relâcher dans la Nature des populations d’animaux domestiqués.
On comprend, par exemple, que les guerres (et leurs ruines abandonnées) et d’une façon générale les troubles divers (les pandémies, il y a quelques siècles)
contribuent à cette dissémination. De la même façon, les catastrophes naturelles, en faisant tomber les barrières érigées par l’Homme, autorisent cette
diffusion : on cite souvent les poules de la Nouvelle-Orléans qui, à l’occasion du passage de l’ouragan Katrina, se sont échappées de leurs
poulaillers ; on peut encore les voir voleter en grand nombre dans certaines rues de la ville aujourd’hui…
Toutefois, le cas le plus fréquent est probablement l’insuffisance de surveillance
des cheptels domestiques. Nombre d’animaux s’échappent de leur
confinement d’élevage, à moins que plus simplement encore, ils soient
importés volontairement ou non par l’Homme lui-même comme les chats ou les lapins en Australie. Ces « erreurs humaines » peuvent entraîner de
véritables catastrophes : c’est le cas de ces saumons d’élevage en Norvège, échappés lors de tempêtes plus violentes que la moyenne, et qui, bien que peu
adaptés à la vie sauvage, ont réussi par leur nombre à submerger et coloniser des rivières entières.
La domestication par l’Homme n’est pas irréversible
La domestication – contrairement à ce que pensent bien des gens
– n’a, au début, jamais eu un but utilitaire.
Les hommes du néolithique ne pouvaient pas savoir que le mouflon
deviendrait au fil des générations un mouton
susceptible de leur donner de la laine pour se protéger du froid. De
la même façon, impossible de prévoir que la vache donnerait bien plus
de lait que n’en a besoin son veau… Le début de la
domestication repose probablement sur le besoin que l’Homme a de
« dominer » la Nature, de créer des situations nouvelles, de se lancer des défis.
En domestiquant certains animaux, il n’a pas transformé la Nature :
il l’a simplement adaptée, provisoirement, à ses besoins.
Du fait, les attitudes instinctuelles des différents animaux
sauvages ne disparaissent pas lorsqu’ils sont domestiqués par l’homme : tout au plus, peut-on parler d’une raréfaction des comportements sauvages.
L’éthologue K. Lorenz expliquait que, en cas de domestication
réussie, c’est le seuil de déclenchement du « comportement sauvage » qui
est rehaussé : celui-ci ne disparaît pas mais a moins de chance de se produire dans un environnement protégé humain.
Sources : Un article de Céphéides
1. Wikipedia France
2. Science & Vie, n° 1157, février 2014
3. Encyclopediae Universalis
4. Encyclopediae Britannica
Images :
1. mustangs (sources : www.ac-grenoble.fr/)
2. chevaux sauvages ou mustangs (sources : www.chevauxmustang.com)
3. dingo (sources : www.qcm-de-culture-generale.com/)
4. le chat est bon chasseur (sources : www.linternaute.com)
5. chiens sauvages : méfiance ! (sources : fr.123rf.com)
6. mouflons (sources : www.ladepeche.fr/)
7. Yorkshire : trop faible pour l'état sauvage (sources
: fond-d-ecran-gratuit.org)
8. rapaces, jamais vraiment domestiqués; ici, un faucon (sources : www.humanima.com)
9. le chat ensauvagé, encore ami ou déjà ennemi ? (sources : www.dinosauria.com)
Publié par Dajaltosa
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