Animaux et végétaux menacés espèrent faire enfin la "Une"
Deux poids, deux mesures : quand le changement
climatique mobilise de plus en plus d'attention et de financements, le
déclin des espèces s'accélère sans créer le même émoi, faute
d'informations suffisantes sur les conséquences de cette érosion,
estiment certains experts.
L'élaboration de scénarios sur l'érosion de la biodiversité, à
l'instar des travaux du Giec, l'organe de référence en matière de
recherche sur le climat depuis 1988, permettrait-elle aux animaux et
végétaux menacés d'extinction de faire enfin la "Une" ?
Un "Giec de la biodiversité" a été officiellement créé au printemps
dernier à Panama et lancera ses travaux en janvier à Bonn (Allemagne)
pour tenter de lire l'avenir et formuler des recommandations.
"Cela va être très utile si cet organe se comporte aussi
intelligemment que le Giec", juge Jean-Patrick Le Duc, délégué aux
relations internationales du Muséum national d'Histoire naturelle de
Paris, présent cette semaine à Hyderabad (Inde) pour la conférence de
l'ONU sur la biodiversité.
Il ne s'agit cependant en aucun cas de concurrencer la "Liste rouge",
inventaire de référence de l'Union internationale pour la conservation
de la nature (UICN) qui mesure l'évolution de populations animales ou
végétales à travers la planète.
Car le nouvel organe, baptisé "Plateforme intergouvernementale sur la
biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), va moins étudier
"l'érosion de la biodiversité que les conséquences dans le domaine
agricole, la pêche...", décrypte Lucien Chabason, conseiller auprès de
l'Institut du développement durable et des relations internationales
(Iddri).
"Ce qui mobilise sur le climat, ce sont les impacts --la submersion
des deltas, la sécheresse, la chaleur en ville, pas le fait que la
température monte. En matière de biodiversité, c'est un sujet assez
inexploré", selon lui.
Surexploitation des ressources, déforestation, pollution, changement
climatique: le taux d'extinction des espèces est aujourd'hui jusqu'à
1.000 fois plus élevé que ce qui était connu jusqu'ici, estiment les
scientifiques.
L'économiste Pavel Sukhdev s'intéresse depuis quelques années aux
impacts économiques de la disparition des espèces, en chiffrant la
valeur des services rendus "gratuitement" par la nature, comme la
pollinisation, le traitement naturel des eaux, la pêche.
Qu'apportera de plus le "Giec de la biodiversité" ?
"L'important, c'est que cette information sera indépendante des
gouvernements et des ONG" et qu'elle leur sera fournie de manière utile,
relève Konstantin Kreiser, de l'ONG BirdLife International."Pour le
moment, c'est très difficile pour les gouvernements de savoir par
exemple jusqu'à quel point il est possible de pêcher", estime-t-il.
Depuis plus de 20 ans, les rapports du Giec se sont imposés comme
l'information de référence sur le réchauffement climatique et sur les
probables impacts. Ils ont largement contribué à attirer l'attention des
gouvernements et de l'opinion publique sur le sujet.
Mais attention, "la diversité biologique est extraordinairement plus
complexe à modéliser que le climat", met en garde Jean-Patrick Le Duc.
"Et on a beaucoup moins d'expérience que les climatologues qui
utilisent la modélisation depuis l'après-guerre, alors que, pour la
biodiversité, cela fait à peine une vingtaine d'années", tempère-t-il.En
janvier, la première étape consistera à désigner les scientifiques,
issus de nombreuses disciplines, qui seront chargés de piloter les
travaux de l'IPBES. Quant au premier rapport? Sans doute pas avant 2015
ou 2016, selon les experts.
Publié par Dajaltosa - Source : Direct Matin
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