"Sans oxygène, pas de vie."
Voilà une affirmation qui semble être
frappée au coin du bon sens. Et pourtant, vous êtes vous déjà demandés
d’où vient cet oxygène qui nous est si précieux ?
Eh bien vous allez découvrir qu’il n’a pas toujours été présent sur Terre, loin de là, et qu’il faudrait même renverser l’affirmation initiale : sans vie, pas d’oxygène !L’atmosphère primordiale
Aujourd’hui, notre atmosphère est
composée d’environ 21 % d’oxygène, 78% d’azote, et 1% de faibles
quantités de divers gaz. Mais il n’en a pas toujours été ainsi ! On
estime que l’atmosphère primordiale de la Terre – il y a environ 4,5
milliards d’années – était plutôt composée en majorité d’hydrogène,
d’azote, de dioxyde de carbone (CO2), d’ammoniac (NH3) et de méthane (CH4). Pas d’oxygène, donc ! Ou alors en quantités infimes, de l’ordre de seulement 0,0001%.
Attention, il faut faire une clarification à ce stade. Quand je dis « pas d’oxygène », je devrais plutôt dire « pas de dioxygène ». Car c’est bien de l’absence du gaz O2
dont nous parlons. Les atomes d’oxygène étaient bien là eux, il s’agit
même d’un des éléments les plus abondants sur Terre. Mais pour la
plupart ils étaient liés au carbone pour former du CO2 ou emprisonnés dans les roches de la croûte et du manteau terrestre.
Bref, une atmosphère dépourvue d’oxygène,
et les choses en seraient certainement restées là, si tout cela n’avait
pas été bouleversé par un événement incroyable et extraordinaire :
l’apparition de la vie !
La photosynthèse
Une des raisons pour lesquelles on ne trouvait pas de dioxygène dans l’atmosphère primordiale, c’est que l’atome d’oxygène a un coeur d’artichaut : il aime se lier à tout autre atome qui passe. Il n’existe donc presque pas de réactions chimiques naturelles qui produisent du dioxygène libre.
Mais tout cela a changé avec l’apparition
de la vie il y a environ 3,5 milliards d’années. Un élément clé de la
vie telle qu’on la connait, c’est la capacité à produire des molécules
organiques carbonées (comme les glucides, les protéines ou les lipides),
qui servent notamment de sources d’énergie. Pour les fabriquer, les organismes vivants doivent trouver du carbone.
Les premières bactéries trouvaient leur carbone en ramassant ce qui
passait à leur portée comme nutriments (les humains font pareil). Mais
il y a environ 2,7 milliards d’années, un nouveau type de bactéries fit
son apparition : les cyanobactéries.
Les cyanobactéries furent les premières à inventer la photosynthèse telle qu’on la connait. A partir de CO2, d’eau et d’énergie solaire, ces bactéries – qu’on appelle parfois aussi algues bleu-vert – furent capable de capturer le carbone contenu dans le CO2, tout en rejetant … du dioxygène !
On peut penser que ce fut le début de
l’élévation de la concentration en oxygène dans l’atmosphère. Mais non !
Je vous l’ai dit, l’oxygène aime se lier avec tous les autres atomes.
Et quand les cyanobactéries ont commencé à en rejeter, il se
trouvait autour plein d’éléments trop heureux de se marier avec
l’oxygène, par exemple l’hydrogène, le carbone, le soufre et le fer.
Une des preuves les plus spectaculaires des premiers rejets d’oxygène par les cyanobactéries, c’est l’apparition des gisements de fer rubané. A cette époque, le fer était présent dans l’océan sous forme dissoute, ou dans le sol sous forme de pyrite FeS2. Au contact de l’oxygène rejeté par les cyanobactéries, il a pu s’oxyder en Fe2O3 ou Fe3O4, pour former ces structures sédimentaires noires et rouges, rappelant la rouille, et que l’on voit ci-contre.
La grande oxydation
Pendant quelques centaines de millions
d’années, nos cyanobactéries ont donc produit de l’oxygène qui s’est
retrouvé immédiatement capté par les différents éléments environnants,
notamment le fer. Mais ça n’a pas duré. Une fois tout ce petit monde
rassasié, il y a environ 2,4 milliards d’années, l’oxygène a enfin pu se répandre librement dans l’atmosphère, et a finalement atteint le niveau énorme de …0.1%.
Cela ne parait pas beaucoup, mais il
s’agit d’un changement suffisant pour que l’on nomme cet évènement "la
grande oxydation". Certains l’appellent même "la catastrophe de l’oxygène" ou "la crise de l’oxygène". Pourquoi ? Car l’oxygène est un poison !
Pour les cyanobactéries, l’apparition de
l’oxygène dans l’atmosphère n’a pas été un grand bouleversement. Mais
pour toutes les autres bactéries, ce fut une catastrophe. De la même
manière que l’oxygène aime se lier à tout ce qu’il passe, il attaque la
matière organique (c’est pourquoi on nous bassine tant avec les
antioxydants pour lutter contre le vieillissement). L’oxygène a donc rapidement provoqué l’extinction de la plupart des autres espèces, laissant tout le champ libre aux cyanobactéries.
Autre changement catastrophique, le dioxygène de l’atmosphère a réagi avec le méthane (CH4) de l’atmosphère pour former de l’eau et du CO2. Or comme on l’entend parfois, le méthane est un très puissant gaz à effet de serre, bien plus que le CO2
ou l’eau. Sa disparition de l’atmosphère a donc provoqué un
refroidissement important et une des plus importantes glaciations de
l’histoire de la Terre, la glaciation Huronienne, qui a duré de -2,4 à -2,1 milliards d’années.
Mais au rayon des bonnes nouvelles,
l’apparition de l’oxygène dans l’atmosphère a aussi permis la
constitution de la couche d’ozone (O3), qui comme vous le savez nous protège des effets néfastes des rayons UV du soleil.
Pendant 1 milliard et demi d’années, la
concentration d’oxygène est ainsi restée à un niveau faible, situé
probablement entre 0.1% et 1%, avec cependant des fluctuations plus ou
moins importantes. Au cours de cette période de disponibilité de
l’oxygène, les organismes capables de pratiquer la respiration (et donc
d’utiliser l’oxygène disponible pour produire de l’énergie) ont peu à
peu pris le pas sur ceux pratiquant la fermentation. Avant que
n’apparaisse une deuxième période de croissance rapide de la
concentration atmosphérique d’oxygène.
La grande oxydation II, le retour
Il y a environ 600 millions d’années,
après cette longue période de relative stabilité, la quantité d’oxygène a
à nouveau cru de manière spectaculaire. Paradoxalement, on n’en sait
encore moins sur les causes profonde de cette nouvelle oxydation. Mais
nous savons qu’elle a permis à la quantité d’oxygène d’atteindre essentiellement son niveau actuel, de l’ordre de 20%.
Ce changement a probablement provoqué un des évènements les plus importants de l’histoire de la vie : l’explosion Cambrienne.
Le terme d’explosion paraît suggérer une nouvelle crise, mais c’est du
contraire qu’il s’agit : une explosion de diversité ! Avant l’explosion
cambrienne, la vie se réduisait essentiellement à des unicellulaires pas
bien passionnants. Mais subitement entre -600 et -500 millions d’années
sont apparus des tas d’organismes complexes commençant à ressembler à
des animaux, comme ceux trouvés dans les fossiles du schiste de Burgess (voir mon billet sur le sujet). Tout ça entre autres grâce à la disponibilité de tant d’oxygène !
Entre ce moment et aujourd’hui, la concentration en oxygène a même fluctué, jusqu’à parfois atteindre des valeurs de 30 ou 35%, comme à l’époque carbonifère il y a 300 millions d’années. À ces époques chargées en oxygène, on pouvait trouver sur terre des insectes géants, comme Meganeura, une libellule de 75cm dont on voit une reconstitution ci-contre.
Aujourd’hui, la concentration en oxygène
dans l’atmosphère semble donc s’être stabilisée autour de 20%, mais il
est encore difficile de comprendre pourquoi cette valeur d’équilibre et
pas une autre. En tout cas, retenez que pour avoir de l’oxygène dans son
atmosphère, il a fallu d’abord que notre planète abrite la vie.
Ceci fait peut être de la Terre la seule planète dans l’Univers dont l’atmosphère contient de l’oxygène !
Pensez-y la prochaine fois que vous verrez un mauvais film de
science-fiction où des astronautes débarquent sur une planète déserte,
vérifient avec leurs appareils que l’atmosphère y est respirable, et
enlèvent leur casque
Publié par Dajaltosa - Source : Science Etonnante
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