Un amas de galaxies cartographié avec une précision inégalée
En combinant les effets de lentille
gravitationnelle fort et faible et l'observation en rayons X d'un amas
de galaxies, des astrophysiciens ont déterminé très précisément sa
distribution de masse.
Une fois de plus, les astrophysiciens font la démonstration de la qualité des observations du télescope spatial Hubble. Dans le cadre du programme Hubble Space Telescope Frontier Fields, des effets de lentille gravitationnelle ont été observés pour cartographier la distribution de la matière dans des amas de galaxies. Mathilde Jauzac, de l’Université de Durham, et ses collègues ont ainsi établi, pour l’amas MACSJ0416, la carte de la distribution de matière la plus précise d'un amas galactique. Ils en ont aussi étudié la dynamique.
D’après la théorie de la relativité générale d’Albert Einstein, une
grande concentration de masse – telle une étoile, une galaxie ou un amas
de galaxies – déforme l’espace-temps autour d'elle et dévie ainsi les
rayons lumineux provenant d’une source plus éloignée et passant à
proximité. Si l'objet massif est aligné avec la source d'arrière-plan,
les rayons lumineux convergent vers l’observateur, de sorte que la
source paraît amplifiée ; on parle alors de lentille
gravitationnelle. L'effet de lentille est dit fort lorsque la lumière
est amplifiée et que plusieurs images de la source sont visibles, ou que
l’image est tellement déformée que la source apparaît sous forme d'arcs
lumineux. Lorsque la déviation est moins importante et l’image de la
source seulement légèrement déformée, on parle d’effet de lentille
gravitationnelle faible. L’intensité de l'effet dépend de la densité de
masse : il est fort au cœur d’un amas de galaxies, et faible en
périphérie.
Les effets de lentille graviationnelle sont utiles à plus d’un titre.
Ils révèlent des objets trop peu lumineux pour être détectés par
d'autres moyens, et permettent d’estimer la masse de l'objet constituant
la lentille. M. Jauzac et ses collègues ont ainsi utilisé les données
du télescope Hubble pour mesurer les effets de lentille créés
par l’amas MACSJ0416. L’élément remarquable est le nombre élevé d’images
liées à l’effet de lentille gravitationnelle fort. Les chercheurs ont
ainsi recensé 194 images individuelles créées par effet de lentille fort
à partir de 68 objets situés en arrière-plan. En ajoutant les
observations d'effets de lentille faible en périphérie de l’amas, et les
données en rayons X du télescope spatial Chandra, ils ont estimé la masse de l’amas à environ 1,15 × 1015 masses solaires, pour 3 millions d’années-lumière d'extension. Le gaz représente 8,6 × 1013 masses solaires, et les étoiles 3,1 × 1013 masses solaires. Le reste de la masse serait présente sous forme de matière noire, de nature encore inconnue.
Les astrophysiciens ont pu cartographier la répartition de la matière
dans l’amas avec une précision inégalée. Cet amas a la particularité de
présenter deux zones très denses. Cela confirme ce que l'on savait
déjà en observant la répartition de ses galaxies : MACSJ0416 est formé
de deux amas en cours de collision. Mais l’état actuel correspond-il à
un état antérieur ou postérieur à la collision ?
Les lentilles gravitationnelles faibles et les mesures en rayons X
apportent de nombreuses informations. En particulier, lorsque deux amas
entrent en collision frontale, la matière noire et les galaxies
n’interagissent pas avec la matière de l’autre amas et continuent leur
trajectoire sans ralentir. En revanche, le gaz se heurte avec celui de
l’autre amas, s’échauffe en émettant des rayons X, et ralentit. Ainsi,
après une collision, la matière noire est en avance sur le gaz.
Dans l’amas MACSJ0416, la situation n’est pas claire. M. Jauzac et
ses collègues ont imaginé deux scénarios pour expliquer les
observations. L’un correspond à une situation antérieure à la collision,
dans l’autre les amas se sont déjà frôlés – échauffant une partie du
gaz – puis se sont éloignés. Mais du fait de l’attraction
gravitationnelle, l’amas le plus léger revient vers l’amas le plus lourd
et une deuxième collision est en vue. De nouvelles données du télescope
Chandra sont attendues ; elles permettront de trancher entre ces deux scénarios.
Publié par Dajaltosa - Source : Monthly Noticies of Royal Astronomy
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