Ils sont énormes et se déplacent en troupeau. Mais les éléphants trouvent tout de même le moyen de disparaître....
MONTRÉAL, Québec, Canada, 2 Septembre 2014.
Les
biologistes savent que les braconniers sévissent toujours malgré
l’interdiction du commerce international de l’ivoire, mais une nouvelle
étude américaine vient d’évaluer plus précisément le nombre de
pachydermes tombés entre leurs mains: plus de 100 000 en trois ans. Une
perte insoutenable, dit l’auteur de l’étude George Wittemyer, de
l’Université de l’État du Colorado.
Q: Dans votre article publié dans Proceedings of the
National Academy of Sciences, vous estimez que plus de 100 000
éléphants ont été tués illégalement en Afrique de 2010 à 2012, soit
environ 33 000 par année. Quelles sont la proportion d’éléphants tués
illégalement et celle de ceux qui meurent de causes naturelles?
R: En 2011, le tiers des éléphants morts ont
succombé à des causes naturelles, et plus des deux tiers ont été tués.
Le taux de braconnage a augmenté à partir de 2009 et a atteint un sommet
en 2011. Après, ça s’est stabilisé et ç’a même un peu diminué. Il y a
eu beaucoup de sensibilisation en 2011 sur ce qui se passait. Beaucoup
d’organismes sur le terrain ont été plus actifs pour attirer l’attention
et ont embauché des gardes forestiers. Il semble donc que ça ait eu un
impact.
Q: On ne sait donc pas si ça va durer?
R: En effet. Mais on sait que la proportion
d’éléphants tués illégalement en 2012 dépassait toujours celle que la
population peut soutenir. Les données préliminaires de 2013 montrent
aussi que les éléphants meurent à un rythme insoutenable pour l’espèce.
Alors, même si on n’atteint pas les mêmes sommets qu’en 2011, ça reste à
un niveau trop élevé qui menace l’espèce.
Q: On sait depuis longtemps que les éléphants sont
victimes de braconnage, mais c’est la première fois qu’on arrive à avoir
une estimation aussi précise à l’échelle du continent. Pourquoi est-il
important de l’avoir?
R: On doit savoir si le nombre d’éléphants abattus illégalement constitue une menace réelle pour leur survie.Un jeune Massaï et son chien observent les ossements d'un éléphant tué par des braconniers, près de la ville d'Arusha, en Tanzanie, en février 2013.
Plusieurs espèces d’animaux peuvent être abattues illégalement
jusqu’à un certain point sans que ça affecte nécessairement la survie de
l’espèce. Certains se demandent si les gouvernements doivent investir
dans la protection des animaux sauvages. Des programmes sont menacés par
des mesures d’austérité. Il est très important que les gens comprennent
à quoi sert cet argent. Et puis, la reconnaissance publique est très
importante pour miner le marché de l’ivoire. Les gens doivent réaliser
que s’ils achètent de l’ivoire, ça fait mourir les éléphants sauvages.
Q: Votre analyse montre donc que la population
d’éléphants africains, en raison du braconnage, diminue d’environ 2 à 3%
par année. Doit-on craindre la disparition des éléphants en Afrique?
R: Notre analyse montre que les trois quarts de la
population des éléphants sont en déclin. Un quart de la population est
stable ou augmente. Il y a donc des endroits où la protection fonctionne
(comme au Botswana, en Namibie et en Afrique du Sud), et d’autres non.
Notre analyse ne prévoit pas l’extinction des éléphants dans un avenir
rapproché. Mais ça reste inacceptable: on ne veut pas se retrouver avec
une toute petite population d’éléphants.
Q: Vous indiquez que votre estimation est pire que vous ne l’aviez prévu. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi?
R: On parle de 100 000 éléphants tués en trois ans.
C’est un chiffre alarmant. Mais je pense que cette donnée sous-estime en
fait l’impact sur la population qu’ont ces 100 000 éléphants morts. Le
braconnage d’ivoire cible les éléphants les plus gros, ceux qui ont les
plus grosses défenses: les principaux mâles reproducteurs et les
femelles matures, les mères. La mort de ces éléphants a donc un impact
social important sur des centaines de milliers d’autres éléphants.
POPULATION D’ÉLÉPHANTS D’AFRIQUE
1900: 20 millions
1980: 1,2 million
2014: 500 000
Source: Convention sur le commerce international des espèces menacées d’extinction (CITES)
OR BLANC
Le commerce international de l’ivoire est interdit depuis 1989 par la
Convention sur le commerce international des espèces menacées
d’extinction (CITES). Il se négocie néanmoins toujours dans certains
marchés intérieurs, dont la Chine, où il atteindrait environ 150 dollars
le kilo, selon George Wittemyer. Le taux d’abattage illégal des
éléphants augmente, indique-t-il, lorsque le prix dépasse 30 dollars le
kilo. «Tant que le prix de l’ivoire sera élevé, il y aura toujours des
éléments criminels prêts à chasser les éléphants.»
- Avec l’Agence France-Presse
LA MARCHE DES ÉLÉPHANTS… AU CANADA?
«J’aimerais marcher au Canada pour défendre les éléphants», dit, au bout
du fil, Jim Nyamu, directeur de l’organisme kenyan Elephant Neighbors
Center. Les souliers de ce défenseur passionné des pachydermes l’ont
mené un peu partout à travers son pays ces dernières années pour
sensibiliser la population au braconnage. «Je leur démontre qu’un
éléphant vaut plus cher vivant que mort», dit-il. L’an dernier, il a
poussé un peu plus loin en parcourant 900 km à pied aux États-Unis
pendant 34 jours pour la campagne «L’ivoire appartient aux éléphants».
En novembre dernier, il a assisté au Colorado à la destruction de six
tonnes d’ivoire saisies par les autorités américaines. Il aimerait
répéter l’expérience au Canada et en Chine. «En fait, je n’ai pas tant
besoin d’aller en Chine puisqu’il y a des marchands chinois en
Californie, dit-il. Les Chinois pensent que l’ivoire tombe par terre et
qu’on a qu’à le ramasser. Mais on doit leur montrer les images des
éléphants morts parce qu’on leur a coupé leurs défenses.»
(La Presse)
Source: Judith Chapelle - La presse.ca
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