Guide : les prophètes des temps modernes
Souvenez-vous, il y a quelques années, le mathématicien
Perelman, après avoir résolu le théorème de Poincaré et ouvert la voie
aux mathématiques du XXIème siècle, refusait un prix américain d’un
million de dollars, quittait l’université et repartait pour sa forêt.
Perelman incompréhensible pour ses collègues, Perelman aux ongles sales
et aux cheveux longs…
La Russie, à coté de ses monstres de la littérature,
a régulièrement engendré d’immenses scientifiques, tout aussi obsédés
de travail, tout aussi géniaux. Des savants qui, parfaitement inadaptés
au monde, ont offert à ce dernier, souvent dans un certain isolement,
des découvertes révolutionnaires. Des êtres de science animés par la
Foi, par une quête qui réconcilie la raison et le mystère, des esprits
assez vastes et curieux pour tout embrasser. Le Courrier de Russie dresse les portraits de cinq prophètes des temps modernes.
Pour un émigré
A ne pas confondre avec Joseph Szydlowski à l'origine de la création de Turbomeca qui est un fabricant français de turbines à gaz dont le siège est situé à Bordes, Pyrénées Atlantiques depuis 1942.
Sikorsky, c’est la plaine sauvage : c’est la Russie du Sud, l’Ukraine en guise de frontière occidentale – passion libertaire et bouillonnement cosaque. Sikorsky, c’est l’inventeur et le pionnier : élevé aux dessins de Léonard de Vinci et aux romans de Jules Verne, il fabriquait à 12 ans son premier hélicoptère miniature. Aussi intransigeant dans ses rêves technologiques que dans ses convictions politiques, Sikorsky – impérialiste, orthodoxe, fils d’un membre des Centaines noires ultra-nationalistes – fut contraint d’émigrer par la Révolution, après avoir conçu tous les avions de l’arsenal russe pendant la Première Guerre mondiale. Il choisit pour refuge le lieu qui lui laissait le plus de marge de création : le Nouveau monde – et la Sikorsky Aircraft corporation, qu’il fonda aux États-Unis grâce au soutien de Rachmaninov, est jusqu’à présent un des premiers fabricants d’hélicoptères mondiaux. Aujourd’hui, la Russie, qui cherche à renouer avec toutes ses histoires, ouvre au Musée polytechnique une vaste rétrospective au père-fondateur de l’aviation nationale, au génie de l’air trop longtemps renié.
Sikorsky, c’est la plaine sauvage : c’est la Russie du Sud, l’Ukraine en guise de frontière occidentale – passion libertaire et bouillonnement cosaque. Sikorsky, c’est l’inventeur et le pionnier : élevé aux dessins de Léonard de Vinci et aux romans de Jules Verne, il fabriquait à 12 ans son premier hélicoptère miniature. Aussi intransigeant dans ses rêves technologiques que dans ses convictions politiques, Sikorsky – impérialiste, orthodoxe, fils d’un membre des Centaines noires ultra-nationalistes – fut contraint d’émigrer par la Révolution, après avoir conçu tous les avions de l’arsenal russe pendant la Première Guerre mondiale. Il choisit pour refuge le lieu qui lui laissait le plus de marge de création : le Nouveau monde – et la Sikorsky Aircraft corporation, qu’il fonda aux États-Unis grâce au soutien de Rachmaninov, est jusqu’à présent un des premiers fabricants d’hélicoptères mondiaux. Aujourd’hui, la Russie, qui cherche à renouer avec toutes ses histoires, ouvre au Musée polytechnique une vaste rétrospective au père-fondateur de l’aviation nationale, au génie de l’air trop longtemps renié.
Sikorsky : Les ailes du futur – jusqu’au 15 janvier 2015. Musée polytechnique, VDNKh, pavillon n°26. Moscou.
Site: polymus.ru
Site: polymus.ru
Pour un idéaliste
Ivan
Pavlov et le premier prix Nobel russe – médecine et physiologie, 1904,
pour ses recherches sur la digestion. Pavlov et sa découverte des
réflexes conditionnels, qui augure tout le siècle à venir de réflexion –
et de représentations – sur l’inné et l’acquis. Pavlov et son ascèse
sans aigreur, sans fanfare – simplement la vie frugale qui libère la
pensée des lourdeurs de la chair. Pavlov, élevé au séminaire, a toujours
préféré l’expérimentation à la théologie – mais savait combien la
Raison véritable nécessite aussi de Foi. Dévoué à son pays au point d’en
accepter le nouveau pouvoir révolutionnaire et athée, sans jamais plier
pour autant, utilisant sa renommée mondiale pour prendre la défense
publique des religieux réprimés mais refusant toutes les alléchantes
propositions de travail à l’étranger – Pavlov et le courage tranquille
de ceux qu’animent une certaine idée de la dignité et la quête exclusive
de vérité. Au-dessus de la science – le savoir. La bonté pour condition
et l’humilité pour évidence. D’une race de scientifiques qui n’excluent
jamais la question de la morale, pour qui la connaissance et la
technique ne sont que des outils au service d’un dessein supérieur plus
vaste et de l’intérêt collectif. À Riazan, la demeure familiale – le laboratoire reconstitué à l’ombre paisible des pommiers.
Maison-musée d’Ivan Pavlov, 25, ulitsa Pavlova, Riazan.
Site: pavlov.amr-museum.ru
Site: pavlov.amr-museum.ru
Pour un illuminé
Tsiolkovski
et la Russie des géants – des froids et des forêts. Le vaste pays aux
pattes lourdes et maladroites et à la tête légère, aérienne. Konstantin
Tsiolkovski, devenu sourd à onze ans des suites d’une scarlatine et
exclu de l’école, sera autodidacte. Sur les conseils de Mendeleïev, il
rejoint la capitale – de nouveau terrifié par la perspective d’entrer à
l’université, il s’y réfugie dans les rayons des bibliothèques, où il
croise un autre vieillard aux pieds nus, le philosophe théoricien du
cosmisme Nikolaï Fedorov. Inadapté, largement en avance sur son temps,
le jeune homme oublie de manger et de se coiffer, se promène en
guenilles – trop occupé de ses idées. Tsiolkovski, devenu tyran
domestique par passion – folie – du travail, inventera, dans son
isolement, la fusée cosmique, le turbomoteur et celui à ergols liquides.
Et il faudra attendre vingt-deux ans après sa mort pour que les travaux
du père de l’aéronautique russe trouvent une application concrète –
avec l’envoi du premier satellite artificiel dans l’espace. La Russie et
le cosmos – une foi inébranlable, un travail acharné et le rêve du
Ciel. Le très contemporain musée de l’astronautique de Kalouga rend hommage au prophète.
Musée d’État de l’histoire de l’astronautique Konstantin E. Tsiolkovski, Kalouga
Site: gmik.ru
Site: gmik.ru
Pour une révoltée
Sofia
Kovalevskaïa, de toute son existence, n’a obéi qu’à sa vocation, ne
s’est pliée à aucun cadre. La petite Sonia, la moins aimée de sa
fratrie, impressionne un ami de la famille, physicien, par la vivacité
de son esprit. Elle étudie chez elle puis, contre la volonté de son père
et face à l’université russe qui n’acceptait pas les femmes, prend un
mari fictif, à 18 ans, pour pouvoir poursuivre sa formation à
l’étranger. Sofia la nihiliste risque un temps sa carrière et sa vie
pour aider, à Paris, le fiancé communard de sa sœur. Puis le «
professeur Sonia » tente de rentrer en Russie et d’y obtenir un poste
universitaire – en vain. Kovalevskaïa l’insoumise supporte mal sa
grossesse et, dès après l’accouchement, abandonne sa fille à son mari
pour repartir en France. Paris, Stockholm – en émigration, on reconnaît
le mathématicien génial, et Sofia Kovalevskaïa se met même à écrire, de
la prose et des poèmes inspirés par ses recherches mathématiques. Une
vie brève, pleine et passionnée, tout sauf sage. La maison-musée de
Sofia Kovalevskaïa à Polibino en dit plus long sur le quotidien de la
petite noblesse provinciale de la fin du XIXe que sur l’existence
tumultueuse de cette femme d’extérieur.
Maison-musée Sofia Kovalevskaïa, Polibino, district Velikoluksky, région de Pskov.
Site : museums.pskov.ru/virtual/filial/kovalev
Site : museums.pskov.ru/virtual/filial/kovalev
Pour un exponentiel
Mendeleïev
et son Tableau périodique des éléments, qui révolutionnait la chimie à
venir. Dans lequel il avait prévu les caractéristiques de trois éléments
non encore découverts – avec une précision sans faille. Mendeleïev
l’étudiant pauvre de Sibérie, grimpé au mérite – et consacré. Mendeleïev
et un dix-neuvième siècle qui engendrait des savants aux multiples
talents. À côté de l’immense découverte en chimie, à laquelle firent
immédiatement écho des scientifiques dans le monde entier, Mendeleïev
fut parmi les premiers concepteurs de techniques d’extraction et de
transport du pétrole, dont il devinait l’importance et la valeur,
dessina des usines et les premiers navires brise-glaces, conseilla les
ministres du tsar en matière d’économie. Jusqu’à prendre seul les
commandes d’un ballon stratosphérique de son invention – parce que la
machine ne pouvait emmener deux hommes et que Mendeleïev avait décidé de
briser le stéréotype de l’homme de sciences incapable de rien faire. La
maison-musée du chimiste en banlieue moscovite, où il conduisit
pourtant de nombreuses expériences et rédigea une grande part de ses
travaux, est surprenante de modestie, semble en totale disproportion
avec les dimensions du personnage, de ce génial esprit sans bornes.
Publié par Dajaltosa - Source : Le courrier de Russie
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